Friday 7 December 2007

Une histoire de prix...

En discutant avec des vendeurs de rue à Bobo je me suis rendu compte que certaines de mes idées étaient fausses quant a l’aptitude des gens à faire leur planning financier : Les vendeurs qui portent des plateaux sur leurs têtes, ou tirent des charrettes pleines d’objets divers savent très bien quel est leur profit sur la marchandise écoulée.

Mon objectif, à travers des conversations informelles, était donc de faire le cheminement d’une analyse économique de l’activité de commerce des personnes interviewées. Mon préjugé : les commerçants ne savent pas de combien est leur profit, ils ne calculent pas leurs coûts et donc pourraient très bien conduire un affaire non rentable et s’appauvrir par manque de connaissance, d’éducation ou d’aptitudes.

J’abordais donc dans mes premiers essais de conversation la question de façon assez directive, demandant par exemple combien coûte un sachet de jus de gingembre à la fabrication, en essayant de le comparer au prix de revente. Comme ça ne marchait pas je demandais quel est le prix du sachet, la quantité de gingembre dans un sachet, et le prix du gingembre au kilo. Comme ça ne marchait pas, il a fallut que je réfléchisse un peu à ma façon de poser des questions. Ce que je n’ai pas fait.

C’est une vendeuse de jus qui m’a sauvé. Elle a compris ce que je cherchait a faire : comprendre combien on gagne à vendre du bissap, ou du gingembre en sachets.

Elle m’a expliqué que les sachets viennent par 50, que le prix du gingembre varie, mais que sur une bassine de jus (~200 sacs de ~15cl), elle investit 8000FCFA et gagne entre 10000 et 10500FCFA, donc un profit de 2000 a 2500FCFA. Elle met une journée à écouler une bassine les jours où il fait chaud. Nous n’avons pas parlé des coûts de réfrigération, mais le kWh coûte 86FCFA. Toujours est il qu’elle savait très bien quel était sa marge de bénéfice, et elle savait la calculer.

Mes questions étaient simplement toutes impossibles à répondre parce que mes quantités de références n’étaient pas celles que les gens utilisent. Allez diviser de tête, le prix (8000) par le nombre de sacs (200) ça va encore, ou le prix du gingembre par le nombre de sacs, là ça devient plus difficile. Surtout quand le prix varie.

Un autre vendeur, qui faisait des petits deals, a aussi compris le but de mon enquête, et le fond de ma pensée. Il m’a fait une remarque surprenante mais tellement évidente : « Si tu veux acheter quelque chose a bon prix, fais le très tôt, ou très tard. Très tôt, le vendeur voudra lancer sa journée. Si tu es le premier client, il préférera commencer sur un succès, et te donnera un bon prix pour que tu ne t’éloignes pas sans avoir acheté. Très tard, si le vendeur n’a pas vendu assez pour se payer le repas du soir, il ne va pas manger les habits qu’il essaye de vendre. Il te vendra a perte pour pouvoir manger, en espérant que le lendemain pourra combler le déficit.

Et alors ?

Quand on analyse une filière ou les activités d’une personne, ou qu’elle soit, je pense qu’il faut faire attention de ne pas prendre ses préjugés (sur le manque d’éducation, l’incapacité de faire des calculs financiers etc.) comme seules raisons possibles d’une situation précaire. Peut être que d’autres nécessités (physiques, capital social…) sont aussi en jeu. Au jour le jour, c’est peu être plus facile de continuer son activité (ou très difficile de faire autrement), même si au final, il y a un risque qu’elle ne soit pas rentable.

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